NAHOURINEWS
La Une Société

«J’ai épousé ce métier dans mes temps difficiles et aujourd’hui je rends grâce à Dieu », dixit Michel.

Le monde de la photographie est aujourd’hui complexe et mutant. Pour mieux cerner le milieu, nous avons rencontré un professionnel du domaine. Avec lui nous avons abordé comment il a embrassé ce métier, ses débuts dans le travail, les difficultés qu’il rencontre. Grâce à son professionnalisme, notre interlocuteur a participé à plusieurs éditions des Rencontres internationales de la photographie de Ouagadougou « FOCAL D’AFRIQUE ». Sans détour, Michel Ouèzenamou Kounilougoubou, puisque c’est de lui qu’il s’agit, nous en dit plus. Une interview très passionnante à lire. 

Nahourinews: Bonjour! Pouvez vous vous présentez ?

Je suis KOUNILOUGOUBOU Ouèzenamou Michel originaire du village de Songo dans la province du Nahouri. Je suis un photographe reporter professionnel et responsable de l’entreprise de photographie Shalom Image.

Michel Ouèzenamou KOUNILOUGOUBOU est le PDG de l’entreprise de photographie SHALOM IMAGE.

Comment êtes vous arrivé dans la photographie ?

Mon arrivée dans la photographie, il faut dire que c’est une longue histoire. Mais pour la simplifier, tout est parti de quand j’ai obtenu mon CEP sans avoir eu l’entrée en 6e. Et à l’époque, mes parents n’avaient pas les moyens pour m’inscrire en classe de 6e. Donc j’étais resté au village pendant un an. Un jour, il y a eu quelqu’un qui est venu me dire qu’il y a un de nos parents à Ouagadougou qui avait besoin d’un jeune pour l’aider dans la  photographie. Dès lors j’en ai parlé à mon papa. Malheureusement mon papa a refusé que j’y ailles, prétextant qu’il n’y a rien, en terme d’argent, dans la photographie.  Après ça, j’ai alors dit à mon papa que je ne peux pas rester au village seul, parce-que tous mes promotionnaires   sont allés au Ghana. Donc j’ai dis si c’est ça, moi aussi je vais aller à l’aventure. Et l’année où j’ai décidé d’aller au Ghana, il y a eu un empêchement.  Après des gens sont venus pour construire un magasin dans notre village. Et comme je comprends le français et que j’étais le seul jeune resté au village, ils m’ont recruté comme  main d’œuvre pendant deux mois. Nous sommes en 2007. Quand on a fini le chantier, je les ai suivis pour aller à Tenkodogo dans le village de Bagré où j’ai travaillé pendant deux ans avant de revenir au village. Après j’ai dit à mon papa que je ne peux pas m’asseoir ici, je vais sortir me chercher, comme je n’ai pas eu les moyens pour faire la 6e. Donc je suis venu à Ouagadougou. J’ai fait pratiquement tout ce qui est comme activité à Ouaga ici. Il n’y a pas quelque chose que je n’ai pas fait. J’ai fait parking, j’ai travaillé dans restaurant, maquis, j’ai été vendeur ambulant au grand marché, j’ai vendu dans une boutique, presque tout, j’ai fait, jusqu’au jour où je me suis assis et j’ai dit qu’il faut que j’apprenne un métier. Et c’est dans ça je suis sorti entrain de me balader. Je suis allé tomber sur un de mes parents qui avait un kiosque. Je suis allé là-bas, on m’a accueilli et j’ai dit que je cherche du travail. C’est là que le gérant m’a dit que “un papa” était venu chez lui, lui  dire qu’il a besoin d’un jeune pour mettre dans son atelier. Donc quand il va revenir, il va lui dire. C’était en 2009. Le monsieur m’a amené rencontrer ce dernier qui avait deux ateliers. Un pour la photographie et un autre pour la blanchisserie. Mais lui, il voulait me mettre dans la photographie parce qu’il n’a pas de temps pour gérer ça. Et tenez-vous bien, ma surprise fut grande. Je  suis tombé sur la même personne qu’on avait envoyé au village pour chercher un jeune qui allait l’aider dans son studio de photographie [sourire]. J’ai alors fait pratiquement deux ans, avec lui. J’ai connu comment les choses se passent[…]. C’est en 2012, après avoir fait deux ans et demi avec lui que je l’ai quitté. Je n’avais rien. Lui aussi il ne m’a rien donné parce qu’au début il m’a dit que c’est moi qui devrais même le payer pour apprendre le travail. Mais comme je n’avais pas les moyens, je vais venir travailler pour lui et en retour il va m’apprendre le métier. J’ai dis ok. Et chaque jour, il me donnait 100 francs les matins, les midi et les soirs. À moins d’un an, je connaissais déjà le travail. Donc c’est quand je quittais chez lui et je n’avais rien à faire et je n’avais pas aussi les moyens pour acheter un appareil photo que je me suis intégré dans un autre travail grâce à un de mes frères. Donc quand je suis allé dans ce travail en tant que gérant principal dans une boutique,  on me payait 15000 FCFA par moi. C’est là-bas que j’ai pu économiser l’argent jusqu’à acheter mon premier appareil-photo en 2012. Cela a été possible aussi  grâce à quelqu’un qui m’a aidé quand j’étais à la boutique. Cette personne n’est pas un de mes parents. C’est un connaissant seulement, il est à Bobo. Il s’appelle Karantao Gahoussou.  C’est lui qui m’a aidé avec un peu d’argent et j’ai ajouté à l’argent que j’avais économisé   pour acheter mon premier Appareil-photo qui m’a coûté 60000 FCFA. C’était un appareil argentique.

Comment vivez-vous ce monde de la photographie aujourd’hui ?

Aujourd’hui le monde de la photographie a beaucoup évolué parce que au moment où j’y suis rentré, c’était pas comme aujourd’hui. Avant les appareils étaient moins chers mais aujourd’hui c’est pas le cas. Mais le monde de la photographie, comme c’est ma passion, le je vis aisément, je n’ai pas de problème avec le travail. Même s’il s’agit de me déplacer pour aller faire un travail à quelque part, ça ne me coûte rien, je me déplace, je fais le travail et je reviens. Je suis à l’aise dans ce que je fais.

Quels genres d’activités couvrez-vous  ?

Toute sorte d’activité, parce que j’ai suivi beaucoup de formations en photographie. J’ai fait la formation sur le traitement des images, les cadrages, les images artistiques, les couvertures de mariages. Tout ce qui est photos à son genre, les portraits, tout ce qui est image en photographie. Je couvre à peu près toutes les cérémonies en photographie.

Les services de Michel sont demandés dans des cérémonies de grande envergure…

En dehors de ce que vous venez de citer, avez-vous suivi d’autres formations pour vous perfectionner ?

Oui j’en ai suivies plusieurs. Entre autres, j’ai suivi des formations sur la prise de vue artistique,  prise sur cinéma et reporter journalisme, les réglages du boîtier ( appareil photo numérique)  et les formats d’image. Je maitrise également l’utilisation des logiciels tels que Adobe Photoshop, Adobe Premier Pro, Ligthroom, Canva Pro World Excel.

On dit souvent que l’art doit nourrir son homme, est-ce que c’est le cas chez vous ?

Oui ! L’art doit nourrir son homme et c’est vrai. Chez moi en tout cas je ne dirai pas le contraire. Je rends grâce à Dieu car ce que je fais  me permet de subvenir à mes besoins.

Donc aujourd’hui vous ne regrettez pas d’avoir choisi ce métier ?

Pas du tout ! C’est un métier vraiment noble que j’ai épousé dans les temps difficiles et aujourd’hui je rends grâce à Dieu parce que je m’en sors bien.

On sait que dans toute activité, il y a des hauts et des bas. Est-ce que vous rencontrez parfois des difficultés dans l’exercice de votre métier ? Si oui, lesquelles ?

Oui, il y a beaucoup de difficultés dans tout travail, dans tout métier. Surtout si le travail est ta passion, tu vas souffrir beaucoup. Si ce n’est pas ta passion, là, tu vas peut être ignorer certaines difficultés. Mais par la grâce de Dieu, on arrive à surmonter toutes ces difficultés qui sont de plusieurs ordres. Les achats habituels d’appareils et souvent la rareté des marchés, les trahisons des clients, sont entre autres les difficultés que je rencontre. Mais dans toute activité, il y a aussi l’expérience qui est là. Comme j’ai déjà vécu de 2009 à 2023, ça fait pratiquement 14 ans, donc l’expérience que j’ai dans la photographie me permet d’éviter et/ou de surmonter certaines difficultés.

…comme les mariages.

On sait aussi que souvent d’autres personnes ne connaissent pas le métier de la photographie. Est-ce que vous ne rencontrez pas des problèmes lorsque quelqu’un vous demande un service et vous proposez votre prix par exemple ?

Oui, c’est ça même qui est l’actuelle difficulté parce qu’il y a deux types de photographes aujourd’hui. Si je vais en parler, peut être que d’autres vont croire que je suis entrain d’insulter certains de mes collègues photographes. Non ! Aujourd’hui, il y a le photographe professionnel qui connait bien son métier, qui a des appareils qui coûtent chers, des appareils de 1 million, qui a suivi des formations dans tous les secteurs, qui suit les tutos matin, midi et soir et qui creuse matin, midi, soir pour atteindre l’excellence. Ça c’est les photographes professionnels. Mais il y a d’autres aussi, ils ont appris le métier dans le passé et aujourd’hui le numérique est venu, ils prennent un appareil simple qui coûte pas cher, ils font leurs photos, ils les développent et vendent moins chers et ils s’en sortent avec leurs familles. Eux aussi ce sont des photographes. Donc ça fait deux sortes de photographes différents. Nous tous, on avait commencé par ça, mais au fur et à mesure, on a quitté dans ça et on est arrivé à un niveau où ce n’est pas comme avant. Le numérique aujourd’hui influence. Quand tu arrives sur le terrain et qu’on voit même comment tu es arrivé, on sait que lui là c’est un photographe professionnel et non un amateur du métier. Donc le client aujourd’hui a besoin qu’on lui explique. Il y a d’autres qui nous comprennent mais il y en a aussi qui ne comprennent pas. Parce que si moi-même je dis mon prix, 500, 1000 ou 1500 la photo, le client voit déjà que  c’est de l’escroquerie parce que c’est trop cher selon lui. Puisqu’il voit un autre qui va lui propose  trois photos à 1000 francs. Donc ça fait carrément le jour et la nuit. Mais ceux qui connaissent la qualité de l’image comprennent nos tarifs. Aujourd’hui on est beaucoup basé sur le virtuel. L’image aujourd’hui n’est pas sur papier parce que c’est devenu virtuel. On envoie les fichiers. Même les cérémonies, on ne vend que les fichiers. Mais le numérique aujourd’hui coûte cher que le papier parce que le numérique qu’on va te donner là, c’est une image de qualité et tu peux développer ça à plusieurs manières. Donc aujourd’hui, les clients sont entrain d’adhérer parce qu’on est entrain de les apprendre à quitter dans l’ancien temps pour venir à l’actuel monde de la photographie.

Si vous avez des conseils à donner à ceux qui sont dans la photographie ou ceux qui veulent en faire un projet, que leur direz vous ?

Mon conseil à ceux qui veulent adhérer à la photographie c’est leur dire que c’est un métier qui n’aura jamais de limite jusqu’à la fin du monde. Ceux qui veulent rentrer dans la photographie, moi je les conseille de rentrer maintenant même. Mais il ne faut pas qu’ils vont commencer de la même  façon que nous nous avons commencé. Ils n’ont qu’à aller apprendre la photographie. Aujourd’hui il y a des écoles de la photographie. Il y’a  des institutions de la photographie, il y’a des structures qui forment en photographie. Ils n’ont qu’à commencer sur une bonne base, sur la formation en photographie et avoir un titre, une attestation. Maintenant à la sortie de ça, ils peuvent chercher un photographe avec qui collaborer pour grandir, pour exceller. Je dis ça parce que il  y a beaucoup de manipulation sur les appareils aujourd’hui, sur les logiciels. Et si  ce n’est pas dans une école ou bien dans une formation, tu ne peux pas connaître tout ça. Il ne faut pas croire que tu peux t’asseoir à la maison, taper sur Google et aller acheter ton appareil pour faire des photos. Mon ami, tu vas souffrir ! C’est mieux que tu partes t’asseoir humblement devant quelqu’un, il va t’apprendre, tu vas dépenser sur lui et  tu vas prendre son leadership, sa connaissance.

Il travaille avec beaucoup de partenaires dans le cadre de la couverture de leurs activités.

On est au terme de notre interview, quels sont vos tarifs pour la couverture des différentes activités ?

Bon moi je n’ai pas de tarifs. Je suis parfois étonné quand les gens me posent cette question. Parce-qu’il n y a pas de tarif fixe en la matière. Nous on fixe les prix en fonction du temps de la couverture et en fonction de la distance. Par exemple si tu veux que je couvre une cérémonie d’une heure en province, je vais d’abord calculer le déplacement et le temps que je vais passer là-bas. Et puis ça dépend de quel type d’activité. Si ce sont des images simples par exemple que la personne veut sans faire  d’album dans une clé, son prix est aussi à part. Mais tout travail que nous on fait, quel que soit le prix, on discute toujours parce que c’est dans les discussions que le client peut te faire comprendre ce qu’il veut au juste. Sinon si on donne par exemple des formulaires comme ça, les gens vont avoir peur et puis ne plus venir vers nous parce qu’ils vont penser que les prix sont élevés. Pourtant nous on fait des petits  travaux aussi comme des prestations de 5000 francs, 10000 francs. Mais on exécute aussi des services d’un million, deux millions, etc. Maintenant tout va  dépendre de quel travail, selon le temps et le lieu.

Avez-vous un dernier mot ?

Je rends grâce à Dieu, au Seigneur qui a mis des leaders devant moi, en commençant par celui qui m’a aidé à avoir mon premier appareil. Mon premier leader en photographie c’est M. Kazagabou Daniel, il était l’ancien photographe de l’aéroport, je dis paix à son âme.  C’est lui qui m’a fait rentrer dans la photographie. Aujourd’hui, j’appartiens à une dénomination qui est le Centre d’évangélisation et mon père spirituel Mahamadou Philippe Karambiri et son épouse, le Dr Hortense Karambiri. C’est avec eux, leur leadership que j’ai grandi dans la photographie. C’est grâce à eux que je pars dans l’excellence dans tous les côtés aujourd’hui. Mais je bénis aussi le Seigneur parce que mes parents aussi ont mis une grande bénédiction sur moi parce que chaque fois que je pars au village et je veux sortir, mon papa me dit que Dieu te fasse croiser des bonnes personnes. C’est sa prière comme ça. Et quand je sors, Dieu met des bonnes personnes devant moi. Je collabore avec plusieurs photographes dont Théo Photographie qui m’aident en tout lieu. Il y en a beaucoup. Je ne finirai même pas de citer  les noms.

Interview réalisée par Abatidan NASSARA

[email protected]

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1 commentaire

rachide ouedraogo 4 février 2023 at 0 h 47 min

Très riche interview

Bon vent à Shalom Images

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