NAHOURINEWS
Culture La Une Société

Chefferie traditionnelle : «nous sommes les ancêtres des Mossi », dixit Saamb Naaba de la cité de Bassinko

À l’occasion  de la 4ème édition du Festival Dwui Joro/ Buuri Tisgo qui s’est déroulée du 1er au 03 avril 2022 dans l’enceinte du CENASA, plusieurs chefs coutumiers de la communauté Kasena-nankana ont marqué leur présence à la cérémonie d’ouverture et de clôture. Parmi eux, le Saamb Naaba (chef des étrangers) de la cité de Bassinko située à une trentaine de kilomètres de Ouagadougou. A l’état civil c’est SIA Zoubiré Patrice, un prince du village de Konkoua de Zécco qui porte désormais le bonnet de Naaba en pays mossi. Pour comprendre comment cela a bien pu arriver, nous l’avons rencontré chez lui à Bassinko. Sans détour, Naaba builga, puisque c’est son surnom d’intronisation, a bien voulu nous raconter tout. Voici ce qu’il nous a dit ce jour là. 

Salon Saamb Naaba, le début n’a pas été facile.

Nahourinews : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Saamb Naaba : Je suis Naaba Builga, Saam-Naaba qui signifie chef des étrangers de la Cité de Bassinko. Je suis attaché d’administration scolaire au MENA et agent à la Direction de l’éducation non formelle à Ouaga.

Depuis quand êtes-vous intronisé Saamb Naaba de la cité de Bassinko et comment le choix a été porté sur vous ?

C’est le 29 octobre 2020 que je suis intronisé Saamb Naaba de la Cité de Bassinko. Le choix ? Je ne sais pas comment l’expliquer. C’est Dieu qui l’a voulu ainsi. Moi-même je me pose la question, à savoir comment le choix s’est porté sur moi. Mais avant tout propos, je voudrais remercier Sa Majesté le Moogo Naaba, Son Excellence le Chef de ZONGO, le Chef de Kilwin, le Chef  de Pisga, le Chef de Bassinko et le Goung-Naaba de Zékounga, le village ou la cité a été créée. C’est à travers ce dernier et l’intermédiaire de Zongo-Naaba que j’ai été intronisé Saamb Naaba de la cité de Bassinko. Et cela fait un an et demi à la date d’aujourd’hui.

Comment vous et les membres de votre famille avez accueilli cette intronisation ?

C’était avec joie que nous l’avons accueilli. Avant mon intronisation, j’ai été approché pendant deux ans. Au début, moi-même je ne voulais pas ou du reste j’étais retissant car je suis protestant de religion. J’ai beaucoup réfléchi pour voir comment je pouvais concilier les deux, ma religion et la gestion de la chefferie. Mais j’avoue que ça n’a pas été facile.  Donc j’ai pris des conseils avec la famille, ma femme en particulier et auprès des amis. J’ai également appelé le Chef de Konkoua à Zécco et nous avons échangé. Il a donné son accord en me rassurant que nous sommes venus de Gambaga et pour cela nous sommes les ancêtres des Mossi. Ce qui revient à dire que les Mossi sont nos petits-fils. Par conséquent comme je suis prince de Konkoua (Zécco), il n y a pas d’interdiction. Je suis aussi allé voir le Larlé Naaba pour prendre conseils à son niveau. Il m’a fait savoir que la chefferie c’est Dieu qui donne. Il a dit qu’on ne paye pas la chefferie avec l’argent et on ne regarde pas le visage pour la donner. Il m’a rassuré qu’étant déjà dans le ventre de ta maman, c’est Dieu qui oint le chef. Il a cherché à savoir si je suis prince. J’ai répondu par l’affirmative. Il a demandé si mon papa est toujours vivant. J’ai dit non. Et c’est là il m’a dit que ce n’était pas possible si et seulement si mon papa vivait toujours. Il a dit que si mon papa ne vit plus je peux prendre le bonnet. Et cela m’a beaucoup encouragé. Il m’a même confié qu’il est très content car, selon lui, si les fonctionnaires acceptent de se faire introniser cela peut apporter beaucoup de changement et renforcé la cohésion sociale et le vivre-ensemble. Sinon j’avoue que ç’a n’a pas été facile au début.

En tant que Saamb Naaba, quelles sont vos prérogatives ?

En tant que Saamb Naaba, le chef des étrangers comme le nom signifie en langue mooré, je suis une croix de transmission entre le Zong-Naaba de Zékounga et la cité. Si le village a besoin d’intervenir dans la cité, il faut qu’il passe par moi. Si la cité a besoin de quelque chose dans le village, il faut qu’elle passe par moi. Donc en conclusion je joue le rôle de médiateur. Et comme dans la cité nous sommes venus de différentes horizons, chacun a quitté son village pour se retrouver ici, il y a des Gourounsi, des Peuls, des Sénoufo, des Marca, des Boaba et même des Bissa (rire), etc., il fallait choisir quelqu’un qui peut jouer ce rôle-là entre le village et la cité. La cité de Bassinko a une population d’environ cent mille habitants. Elle est comparable à la population de la ville de Koudougou. Et comme c’était une brousse et c’est devenu une cité, le Goungo-Naaba et le chef de Zongo ont dit qu’ils ne peuvent pas la laisser comme ça. Il faut au moins quelqu’un pour être leur bouche, leur œil  et leur oreille.

Vous avez été choisi comme parrain de la 4ème édition du festival Dwui Joro/ Buuri Tisgo par le comité d’organisation. Comment avez-vous apprécié la démarche ?

C’était vraiment avec beaucoup de joie et d’émotion que j’ai accueilli le comité d’organisation du Festival Dwui Joro/ Buuri Tisgo chez moi. C’est une grande considération de leur part. Les organisateurs de ce festival sont à féliciter et à encourager. Ils ont bien réfléchi car nous étions en train de perdre notre culture. Nombreux de nos enfants sont nés à Ouaga ici, d’autres ont marié des femmes qui ne comprennent pas la langue ou ne connaissent pas notre culture. Donc s’ils ont eu l’idée de créer ce groupe-là afin de transporter notre culture en ville ici, cela est une bonne chose. Le fait qu’ils se sont déplacés pour venir me voir au nom du Nahouri, au nom de la communauté Kasena-nankana, vraiment j’ai été honoré. Donc, au nom de la famille et au nom de la population de la cité de Bassinko, je leur réitère mes remerciements et que Dieu les bénisse. Je tiens aussi à les rassurer que s’ils pensent que je peux être utile à quelque part de ne pas hésiter. Je serai toujours là  pour les accompagner quel qu’en  soit mon statut de chef. Il ne faut pas qu’ils vont voir mon bonnet pour dire que je suis chef, non ; je peux toujours participer comme je l’ai déjà fait dans les années antérieures en faisant parti du comité d’organisation.

Le Saamb Naaba était accompagné d’autres chefs de son resort lors du Festival Dwui Joro/Buuri Tigsgo

Quel est votre message à l’endroit de notre pays qui vit des moments difficiles en ces temps-ci ?

Tout d’abord je prie Dieu et les mânes de nos ancêtres pour qu’ils ramènent la paix au Burkina Faso. Il est unanime qu’aucun pays ne peut se développer sans la paix. Depuis un certain temps, dans le passé, les gens ne concevaient pas  l’utilité de la paix. Mais aujourd’hui, il n y a pas quelqu’un dans ce pays-là qui ne sait pas que tout commence par la paix. Donc mon vœu le plus ardent est que la paix revienne au Burkina Faso afin que la population puisse reprendre ses activités, parce que ça ne va pas.  Une population qui n’arrive plus à faire dix kilomètres hors du chef-lieu de province, vous-même vous voyez que c’est un problème. Si vous avez remarqué, c’est le poumon du pays même que ces gens-là (ndlr terroristes) ont attaqué. Nous qui sommes dans les grandes villes là, si la paix ne revient pas, c’est la faim qui va nous tuer ici. Que Dieu bénisse chaque famille, qu’il sème le pardon dans les cœurs des uns et des autres, que Dieu bénisse le Burkina Faso.

Avez-vous un mot de fin ?

D’abord je tiens à remercier vous le Directeur de Publication du journal en ligne Nahourinews, qui avez bien voulu vous déplacer de plus de trente kilomètres pour venir chez moi. C’est une joie pour moi. Je tiens donc à remercier l’équipe du journal, que Dieu bénisse vous et votre journal. Que Dieu  fasse grandir votre journal cette année 2022 pour que vous soyez appelé partout pour couvrir des évènements. Je vous souhaite beaucoup de courage pour ce que vous faites pour le Nahouri à travers votre journal. Les gens ne savent pas mais à travers votre journal le Nahouri est vu partout dans les quatre coins du Burkina Faso et à l’extérieur du pays. Que  Dieu vous élève et continu de vous inspirer d’avantage à apporter de nouvelles choses, de l’innovation en 2022.

Interview réalisée et transcrite par Abatidan NASSARA

[email protected]

Cela peut vous intéresser

Laisser un commentaire