Abraham Ouessena Abassagué, Conseiller des affaires culturelles, professeur de musique, écrivain, artiste musicien, auteur, compositeur, manager, interprète et expert des arts, Directeur général du Centre National Arts Spectacle et de l’Audiovisuel (CENASA) est notre interlocuteur du jour. Avec lui, nous avons, dans une interview exclusive qu’il a bien voulu nous accordée, le 12 février dernier abordé, entre autres, la vie du CENASA, son bilan d’une année passée à la tête de l’institution, les innovations apportées au centre, ses prochains défis et ses relations avec ses collaborateurs. C’est sans détour qu’il a répondu à nos questions. Voici ce qu’il nous a dit !
Nahourinews : Comment se porte le CENASA dans ce contexte de crise d’insécurité?
Abraham O. Abassagué : nous rendons grâce à Dieu parce que le CENASA se porte bien. Ça pouvait être pire car, comme vous le savez, le secteur du spectacle est très tributaire de l’environnement global dans lequel il beigne. Pour un spectacle on a besoin du calme autour pour que les gens puissent non seulement y aller mais aussi le financer. Et la plupart des acteurs ou artistes sont confrontés à cette situation d’insécurité. Ce qui se ressent sur la plupart des salles qui accueillent des spectacles ou qui sont des espaces de création, de promotion ou de diffusion. Mais pour le cas du CENASA on n’a pas beaucoup senti cela. On se porte plutôt bien.
Pouvez-vous nous résumer le rôle que joue le CENASA au milieu de la culture burkinabè et les offres qu’il propose ?
D’abord il faut savoir, puisque beaucoup ne le savent pas, que le CENASA est constitué de quatre à cinq grandes entités en dehors de l’administration bien entendu. D’abord vous avez la grande salle du théâtre Kouamba LANKOUANDE qui est une salle polyvalente de projection vidéo. Une salle de ciné si vous voulez. Cette salle est également une salle de spectacle équipée avec toutes les commodités. Elle offre 600 places assises extensives à 700 places quand on ajoute des chaises. Cette salle, en plus des deux offres citées, est aussi une salle de conférence. La deuxième offre du CENASA c’est le STUDIO DJATA ILEBOU, un studio audio numérique utilisé pour tout ce qui est enregistrement audio, des albums, des spots, des pièces théâtrales, radiophoniques, en gros tout ce qui est prise de voie. Le troisième élément du centre c’est le studio audio-visuel. Le CENASA réalise des clips vidéo, des documentaires, des travaux de recherche sur le terrain avec des captures vidéo. Mais ce volet du centre n’est pas très bien exploité. Voilà pourquoi les gens l’ignorent. Au CENASA nous avons également les Ensembles artistiques nationaux qui regroupent l’orchestre national du Burkina, le Ballet national du Burkina et l’ensemble instrumental du Burkina. Ces ensembles ont été mis en place depuis 1998 pour faire de la création, la codification et la promotion de nos patrimoines immatériels qui sont la danse, le chant et les représentations chorégraphiques. L’objectif est de retrouver dans l’ensemble du pays les figures qui sont en voie de disparition, c’est-à-dire faire des recherches concernant ces figures là pour leur redonner la vie. C’est une façon de donner la chance à toutes les ethnies, dans une sorte de démocratie culturelle, de pouvoir s’exprimer à travers ces ensembles artistiques. Je finis par ce dernier élément de l’institution qui est l’Espace Aéré Amadou BALAKE, et la salle de répétition NICK DOMBI, qui offre une autre forme de spectacle outdoor c’est-à-dire des spectacles hors salle. Pour répondre donc à votre question de façon résumé, les attributions du CENASA c’est de faire vivre l’ensemble de ces espaces, offrir au monde antistatique et culturel burkinabè l’ensemble des maillons de la chaine de production artistique. Cela veut dire que quelqu’un a cette possibilité de venir entrer dans une salle de répétions, aller au studio enregistrer, faire un clip et faire un spectacle au même endroit. C’était donc la vision des pères fondateurs de l’institution. C’est vraiment la réponse de l’Etat pour offrir au peuple quelque chose de viable. Si à un moment c’est dur, l’Etat peut décider d’offrir des spectacles gratuits à la population. Ce qui n’est pas le cas avec les privés.
Cela fait maintenant une année dix-sept jours (le jour de l’interview) que vous êtes portés à la tête de l’institution. Quel bilan peut-on faire ?
Avant de faire le bilan, permettez-moi de remercier d’abord le ministre d’Etat, ministre en charge de la culture, Rimtalba Jean Emanuel Ouédraogo qui nous a donné cette chance de donner aussi notre vision de la chose. Je dis aussi merci à l’ensemble des acteurs du milieu qui m’ont accueilli avec bienveillance. Pour revenir au bilan, on peut dire que c’est un bilan satisfaisant vu les conditions dans lesquelles nous sommes. Plus haut j’ai cité l’ensemble des composantes qui constituent le CENASA. La dernière fois où les Ensembles artistiques sont sortis de Ouaga pour aller jouer dans un spectacle à quelque part, organisé par le CENASA, date de plus de 18 ans. Mais 18 ans après, nous avons réussi à faire une tournée dans la région du Centre-sud afin de permettre à ces ensembles de revivre et de jouer leur rôle de démocratie culturelle. Ils ont pu offrir un grand spectacle live gratuit aux populations de cette région-là. C’est donc un acquis pour nous. Deuxièmement le studio d’enregistrement audio que nous avons baptisé Djata Ilebou a été complètement rénové et passé d’un statut de léthargie à un statut de fonctionnement presqu’à plein régime. On n’a pas encore atteint le plein régime, mais ça va venir. Et plusieurs artistes qui aiment enregistrer en live sont entrain de revenir. Nous avons réussi à redonner de la production au CENASA. Quand tu prends les SACRE (Soirées Artistiques et Culturelles de la Résilience) par exemple, c’est une idée originale du CENASA. Après les SACRE nous avons pu également mettre en place le concours artistique des scolaires de Ouagadougou qui a permis de mettre en compétition beaucoup de lycées qui ont pu faire exprimer les talents des enfants. A partir de ce concours, ceux qui voudront faire carrière dans l’art peuvent se découvrir. Au nouveau de la salle de spectacle nous avons acquis et installé du matériel qui défit toute concurrence internationale. Et cela est une fierté pour nous. Aujourd’hui, si un artiste quitte le Congo, le Nigéria ou la Côte d’ivoire pour venir faire un spectacle au CENASA, nous on ne s’inquiète pas. A moins que ce ne soit la taille de la salle, 1000, 2000 où 3000 places que la personne veut. Ça on n’a vraiment pas de médicament pour ça. Sinon en termes d’équipement on a de quoi le satisfaire. Et à Ouaga il n’y a pas cette salle qui offre mieux que le CENASA en termes d’équipement. Nous avons également engagé des travaux de pavage qui sont toujours en cours. Nous avons aussi aménagé une salle d’attente VIP qui n’existait pas de par le passé.
Parmi toutes ces réalisations laquelle est, selon vous, la plus grande innovation ?
Comme j’ai dit plus haut, la plus grande innovation c’est l’équipement de la salle de spectacle. Je le dis parce que les artistes vous diront : faire un spectacle avec un écran géant actuellement, ça relève du luxe. D’abord parce qu’il n’y en a pas assez à Ouagadougou mais le cout de la location également coute de la quinine. Ainsi si vous êtes deux à trois artistes à faire des concerts à Ouaga ici ou un festival plus deux grands artistes qui font un concert en même temps, si il y a un quatrième artiste, même si ce dernier à de location d’un écran il ne peux plus l’avoir car il y’en a même pas. Les maisons même qui disposent des écrans en location ne dépassent pas trois. Et c’est très cher. Quand vous prenez le prix de la location de l’écran seul vous pouvez venir louer la salle du CENASA y compris la lumière, la sono plus nos écrans et puis garder toujours de la monnaie. C’est donc une prouesse pour nous, ce côté-là. Même si je quitte le CENASA aujourd’hui, je vais être très content à cause de cette réalisation qui est la preuve que quelque chose est fait pour toute personne qui mettra pieds là-bas.
Quelles ont été les éventuelles difficultés qui ont jalonné toutes ces réalisations ?
Il faut dire que la première difficulté c’est évidemment les finances. Nous devons une fois de plus dire merci au ministre d’Etat, ministre de la Culture qui s’est personnellement investi. Parce qu’il a dit qu’il veut que le CENASA soit un joyau. Et il nous a laissés carte blanche et a servi de cordon entre nous et les partenaires qui nous ont appuyés. Ce qu’on veut, s’il y avait plus de partenaires on serait allé plus loin et le pays aurait gagné davantage. En dehors de cette contrainte financière il y a la situation sécuritaire. Le CENASA a souffert de l’accessibilité car nous sommes aujourd’hui dans une zone assez sensible si bien que quand y a des bouleversements au niveau national ça se répercute ici. Cela ne facile donc pas son accessibilité et ça joue sur son rendement. Heureusement grâce à Dieu tout c’est en train d’être laissé derrière nous.
On sait aussi que vous êtes un homme de défis. Quelles sont les perspectives pour cette année 2024 en vue de donner plus de visibilité à l’institution ?
D’abord il faut dire que si l’on vit sans défis on est déjà mort. Puisque ce sont les défis qui nous font vivre car, quand il n’y a plus de défis, il n’y a plus de travail. Le jour où il n’y aura plus de défis au CENASA moi je vais demander à partir. Pour répondre à votre question maintenant, il faut dire que le prochain défi c’est de consolider les acquis déjà engrangés et finaliser le reste du travail. Aussi l’intérieur de la salle du spectacle est bien beau. Mais je veux que les gens qui vont désormais venir au CENASA sentent qu’ils sont au CENASA déjà par l’extérieur. L’extérieur doit être attractif. Un centre de spectacle, quand tu arrives dehors déjà le spectacle doit s’offrir. Quand tu dois créer la beauté ça doit commencer par l’extérieur. Mon prochain combat c’est donc de travailler tous les détails à partir du dehors. Deuxièmement le CENASA est très centralisé. L’idéal sera donc d’avoir des extensions dans les autres villes du pays. Ou avoir d’autres petits centres qui doivent servir de diffusion pour un même spectacle qui se passe au CENASA. En ce moment les artistes pourront mieux vendre leurs spectacles et les rentabiliser. Le CENASA peut nouer des partenariats avec la Maison de la Culture de Bobo par exemple. Et c’est la réflexion que nous sommes en train de mener actuellement.
Quels sont vos rapports avec vos collaborateurs depuis que vous être porté à la tête de l’institution ?
J’ai d’excellentes relations avec mes collaborateurs. J’ai de la chance si je peux le dire ainsi. Pas plus tard que la semaine dernière (la semaine qui a précédé l’interview) on a tenu notre Assemblée générale de l’année au cours de laquelle j’ai décerné des lettres de félicitation. Moi je suis persuadé d’une chose. Quand on n’est pas heureux là où on travaille on va être forcément être malheureux surtout dans la fonction publique où nous sommes. Parce que chaque jour que Dieu fait, il y a du boulot qui t’attend et tu es appelé à y aller chaque jour. Et c’est dans ce sens qu’il faut trouver un moyen pour que tout le monde soit heureux. Parce que ce qui est bon dans la bouche du directeur est aussi bon dans la bouche du gardien. Quand le directeur peut acheter un poulet aller donner à sa femme, si le gardien fait pareillement c’est bien aussi. Et à mon arrivée ici, les trois premiers mois, mon premier chantier c’était la gestion de la ressource humaine. J’ai donc travaillé depuis le gardien jusqu’au plus haut cadre de la maison pour résoudre cette question de ressource humaine pour leur faire comprendre ma vision des choses. Moi mon service c’est comme ma famille. Il n’y a pas de « le patron arrive » et ça court partout. Non ! Par exemple, le jour ou le gardien a l’argent, il m’appelle, il paie du café et on boit ensemble. De cette façon les gens se sentent intégrer dans le circuit et font le travail pour lequel ils trouvent une raison d’être là. Je souhaite continuer dans ce sens car réussir dans un service c’est d’abord réussir à faire travailler tout le monde, que tout le monde se sente bien et arrive à apporter quelque chose.
Nous sommes au terme de notre entretien. Est-ce-que vous avez quelque chose qu’on n’a peut-être pas pu aborder, à dire ?
Tout d’abord ce sont des mots d’encouragement à votre endroit et à l’endroit de toute votre équipe pour le travail que vous abattez jour et nuit. On est conscient que c’est un milieu difficile, surtout avec le contexte dans lequel nous vivons. Je vous encourage à continuer ainsi sur cette voie d’excellence. Je remercie aussi tous vos lecteurs et je leurs donne rendez-vous au CENASA. Je précise que c’est un centre national et les prix de tout ce que j’ai cité est à la portée.
Interview réalisée et transcrite par Abatidan Casimir NASSARA
1 commentaire
Wahou… Rien qu’à lire et à voir l’image de la Salle Polyvalente, j’ai beaucoup apprécié et appris. J’ai aussi appris pour le Studio Djata ILEBOU et la salle de répétition Nick DOMBI et l’espace Aéré Amadou BALAKE. Je souhaite au Directeur Général Abraham ABASSAGUE de garder cette belle âme de manager et de rester focus, avec toute l’humilité que je lui.connais, sur ses objectifs et défis. Bonne suite de mission à lui !