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«C’est déjà un premier pas vers l’inscription du KALMA à l’UNESCO», selon Aboudou Dabo

Aboudou DABO dit Dabs est un acteur culturel Burkinabè bien connu du milieu. Consultant culturel, manager d’artistes musiciens et auteur du livre GESTION D’UNE CARRIÈRE MUSICALE, « La méthode DABS », Aboudou est l’un des défenseurs du KALMA, une danse urbaine Burkinabè née en fin des années 1980. Récemment, cette danse est inscrite au patrimoine national du Burkina Faso par les autorités de la transition. Pour savoir comment le promoteur du concours Championnat national du KALMA, dédié à cette danse, a accueilli son inscription, nous l’avons approché. Dans cette interview qu’il nous a accordée, c’est sans langue de bois que Dabs nous a donné sa vision sur cette danse et expliqué à quand remonte son combat pour sa reconnaissance comme patrimoine national. 

Nahourinews : C’est quoi le KALMA ?

DABS : Le KALMA est une danse urbaine burkinabè né en fin des années 1980 au Burkina Faso. Au départ ce sont des jeunes de Ouagadougou qui ont voulu imiter les danses congolaises et par finir ils ont créé quelque chose de spécial. C’est une danse qui n’a pas de musique spécifique. Ils colmatent les musiques un peu partout pour danser. C’est le danseur qui définit la musique qu’il souhaite danser et il crée les pas par rapport à cette musique qu’il vient de colmater.

Vous êtes l’un des combattants, sinon même le combattant pour la promotion et la pérennisation de cette danse-là. A quand remonte ce combat ?

D’abord il faut dire que j’étais un organisateur de spectacle du KALMA depuis 1992. Et c’est au fil du temps, notamment dans les années 2000, que j’ai constaté que le KALMA a commencé à baisser d’intensité, c’est-à-dire à disparaitre dans les grandes villes comme Ouagadougou et Bobo Dioulasso pour se retrouver dans les villages, parce que les danseurs de KALMA ont eu le temps de tourner dans tout le Burkina Faso village par village pour pouvoir implanter leur style de danse et leur façon de voir la danse. Contrairement aux grandes villes, avec le développement des télévisions et autres, les jeunes de ces villes ont tendance à adopter d’autres tendances de musique et de danses. Surtout que le KALMA n’avait pas la chance de sortir à la télé parce que c’est tout simplement une danse. C’était seulement lors des soirées dansantes qu’on pouvait voir le KALMA. Sinon pas dans les médias.

Vous organisez un concours dans le but de promouvoir et de valoriser cette danse. Depuis quand l’aviez-vous initié ?

Ce concours est dénommé Championnat national du KALMA. Il a débuté en 2019. C’est la 5e édition qui vient de passer en 2023 et nous sommes dans les préparatifs de la 6e édition qui va se dérouler en juin 2024. Mais il faut noter que nous avions pris la décision de valoriser cette danse-là depuis 2015. Nous avions réfléchi et trouver que pour attirer l’attention des gens et créer un engouement autour de cette danse, il fallait créer un événement. C’est de là qu’est né le Championnat National du KALMA en 2019 avec une première édition itinérante, car on tournait de quartier à quartier dans la ville de Ouagadougou. Le concept de base était de tourner de région en région. Mais compte tenu des difficultés que traverse le pays et la limite des moyens financiers nous sommes restés dans la ville de Ouagadougou pour faire du KALMA un évènement qui se déroule en un seul jour à l’Espace culturel NAPAMBEOGO.

La dernière fois les autorités de ce pays ont décidé d’inscrire le KALMA comme patrimoine national. Comment avez-vous accueilli cette nouvelle ?

C’est une démarche que nous avons entreprise depuis 2015. Mais on a toujours eu des difficultés à aboutir. Parce qu’il y a certains qui pensaient que ce sont des danses congolaises et d’autres pensaient aussi qu’une danse urbaine ne devrait pas avoir ce statu de patrimoine national. Donc près d’une dizaine d’années nous avons passé le temps à convaincre les décideurs d’inscrire le KALAMA comme patrimoine national. Malheureusement, depuis 2015, la plupart des régimes qui se sont succédés n’ont pas accepté. C’est maintenant sous cette transition dirigée par le Capitaine Ibrahim Traoré, dans leur vision endogène des choses ont trouvé que le KALMA est une dans nationale et qu’il va falloir la valoriser, la protéger au nom de l’identité nationale. J’ai donc appris avec joie cette nouvelle car c’est un combat que nous avons mené dès le départ avec trois de mes compagnons, même si d’autres ont abandonné en cours de route. Il s’agit de Robert Bagoro qui s’est vraiment battu avec moi, il y a également Célestin BADO, le binguiste et Éric BAKO. D’autres sont partis ailleurs pour d’autres projets, mais je pense humblement que c’est leur contribution qui a permis de réaliser ce rêve aujourd’hui. Ce n’est pas que nous quatre. Il y a aussi ce grand rôle que la presse nationale a joué pour la promotion de cette danse. Si la presse ne s’était pas intéressée à ce que nous faisions, je crois qu’on allait prêcher dans le vide. Depuis plusieurs années nous organisons des évènements sur le KALMA, nous n’avons jamais l’argent mais la presse est toujours là pour nous accompagner. Donc faire ce travail de communication gratuitement jusqu’à ce qu’on reconnaisse le KALMA comme patrimoine national, je pense que c’est leur contribution aussi. Je dédie également cette victoire à tous ces partenaires qui accompagnent chaque fois le Championnat national du KALMA. Ils sont les acteurs clés de cette reconnaissance.

Maintenant que le KALMA fait partir du patrimoine national, quelle est la valeur ajoutée pour vous et pour cette danse urbaine ?

La valeur ajoutée c’est d’abord l’assurance que cette reconnaissance donne aux acteurs et aux danseurs du KALMA. Il y a beaucoup de personnes qui veulent pratiquer le KALMA ou créer d’autres tendances pour les rattacher au KALMA. Mais ils avaient cette peur qu’on les qualifie de danses étrangères. Mais maintenant que c’est inscrit au patrimoine national, ça permet aux danseurs d’être libres dans la tête et pouvoir créer sans avoir des doutes. Ça nous permet également de pouvoir bénéficier de l’accompagnement de l’Etat pour nos activités. Ce qui n’était pas le cas dans les années précédentes. C’est aussi une occasion pour les décideurs de valoriser aussi nos musiques traditionnelles en classant patrimoine national.

Quelles sont les perspectives que vous envisagez dans l’avenir ?

Il y en a beaucoup ! premièrement il faut reconquérir la place du KALMA dans la sphère des danses au Burkina Faso. Parce que le KALMA a fait plus de 30 ans comme l’une des danses les plus populaires. Et beaucoup reculée dans les grandes villes. Donc nous devons reconquérir ça. Il faut également que dans les provinces reculées on crée également des évènements de KALMA pour accompagner cette reconnaissance. Nous pensons que c’est un premier pas pour une reconnaissance dans le patrimoine mondial de l’UNESCO. Si la Roumba congolaise y est inscrite, pourquoi pas le KALMA ? Puisque cette danse a démontré quelle peut vivre dans le temps en résistant 30 ans. Donc pourquoi pas 50 ans ou 60 ans. Donc je crois que c’est déjà un premier pas vers son inscription à l’UNESCO. Nous allons aussi murir la réflexion pour d’autres perspectives.

Nous sommes au terme de notre entretien. Avez-vous quelque chose de particulier à ajouter ?

Je demande d’abord à tous les créateurs de redoubler plus d’efforts et de créativités pour faire de cette danse et musique urbaine naissante un élément de valorisation de notre identité hors du Burkina Faso. Parce que les autres pays viennent avec leurs danses et musiques urbaines pour nous envahir dans notre pays sans que nous puissions proposer quelque chose. Heureusement nous avons trouvé maintenant quelque chose reconnue par l’Etat et c’est avec ça nous allons aller conquérir d’autres scènes à l’étranger. Je veux aussi lancer un appel aux autorités de ce pays de continuer à soutenir le KALMA. Je dis d’abord merci à la presse nationale qui a déjà beaucoup fait pour cette danse et lui sollicite toujours son accompagnement. Je demande à toute la population du Burkina Faso de s’approprier cette danse que nous avons baptisée « la danse de la reconquête » qui va nous conduire dans la paix et la stabilité dans les jours à venir.

Interview réalisée par Abatidan Casimir NASSARA

 

 

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