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Forme juridique de l’entreprise : comment faire le bon choix ?

Lorsque l’on décide d’entreprendre, le choix de la structure juridique de l’entreprise s’impose comme un impératif vital. Ce choix primaire constitue l’étape la plus compliquée et la plus délicate pour le jeune entrepreneur, car « en toute entreprise sommeille un risque ». Le jeune entrepreneur y joue donc sa survie ou sa mort prématurée dans le monde des affaires. En fait, l’entreprise peut prendre la forme d’une entreprise individuelle ou la forme d’une société commerciale. Le choix d’une ou de l’autre forme d’exploitation de son entreprise se présente comme la première difficulté que le future entrepreneur doit surmonter au risque d’être « mort-né » ou au mieux « mort dans le sillage de sa création ». Ce choix ne doit pas être le fruit du hasard ou un simple jeu de fantaisie. Pour réussir ce choix, il faudra tenir compte d’un certain nombre de facteurs.

I. Le choix primaire: une entreprise individuelle ou une société commerciale ?

Dire que j’ai une entreprise ne voudrait pas dire nécessairement que j’ai une société commerciale (SA, SARL, SAS, SNC, SCS). Il peut s’agir aussi d’une entreprise individuelle. Société commerciale et entreprise individuelle sont toutes les deux (02) des techniques (manières) d’organisation de l’entreprise. D’ailleurs, on définit l’entreprise comme un ensemble cohérent de moyens humains et matériels réunis en vue d’exercer une activité quelle que soit sa forme juridique (société commerciale ou entreprise individuelle). Mais quel intérêt y-t-il à opter pour l’une ou l’autre technique ?

Mon entreprise à moindre coût avec une gestion simple

Certains jeunes entrepreneurs souhaitent faire cavalier seul et ne souhaitent pas s’associer à d’autres en créant une société commerciale qui exige en principe une association de personnes (l’union fait la force). Créer une société commerciale exige une confiance entre les différentes personnes qui portent le projet. Méfiant donc, le jeune entrepreneur peut avoir à l’idée de monter son affaire seul. Cette crainte n’est pas toujours justifiée car la loi permet de créer des sociétés commerciales unipersonnelles (société avec un seul associé : exemple de la Société à responsabilité unipersonnelle).

D’autres jeunes entrepreneurs, quant à eux, se résignent à formaliser leur affaire parce qu’ils souhaitent avoir une certaine liberté dans la conduite de leur business. Justement, la simplicité dans la gestion est le principal avantage de l’entreprise individuelle. Dans ce cas, l’entrepreneur est seul maitre à bord puisque, par définition, sa personne se confond à son entreprise (lui et son entreprise ne font qu’un). L’entreprise consitue pour lui un bien de son patrimoine (donc sa chose). L’entreprise individuelle n’exige pas une organisation particulière par rapport à la société commerciale qui exige, selon les cas, la mise en place de certains organes (gérant, directeur général, administrateur, administrateur général, président, commissaire aux comptes etc) chargés de la diriger. Bien évidemment, si ces fonctions peuvent être gratuites, en général, elles ne le sont pas, car dit-on « tout travail mérité salaire ». Ces coûts (lourdeur dans la gestion et coûts financiers) ne sont pas toujours à la portée de certains jeunes entrepreneurs. Ainsi, ils peuvent bien avoir intérêt à formaliser leur entreprise sous la forme d’une entreprise individuelle et non d’une société commerciale.

L’option de l’entreprise individuelle peut être un choix de début de parcours, sinon elle ne garantit pas mieux la pérennité de l’entreprise. Puisque l’entreprise se confond à la personne de l’entrepreneur dans le cas de l’entreprise individuelle, il va sans dire que les changements qui interviennent dans la personne de l’entrepreneur affectent également son entreprise. Par exemple, le décès de l’entrepreneur fait disparaitre son entreprise car étant décédé, son patrimoine dans lequel son entreprise fait partie n’existe plus et sera transmis aux héritiers. Transmise donc aux héritiers, il faut compter sur une hypothétique intelligence de ses derniers pour sauver l’entreprise individuelle que leur défunt (e) père ou mère avait durement construite. Cet aléa n’existe pas, en principe, dans le cas de la société commerciale (personne morale) car étant distincte de la personne qui l’a créée, elle survit au décès de cette dernière.

Enfin, l’option de l’entreprise individuelle qui exploite une activité commerciale est totalement fermée à certaines personnes qui exercent une profession que la loi entend protéger les intérêts. C’est le cas par exemple des fonctionnaires de l’État et des collectivités territoriales (Commune par exemple). Il est courant de voir des fonctionnaires cumulant leur statut d’agent public avec celui de commerçant. Cela est malheureusement illégal car la loi les interdit d’être commerçants ou poser des activités de nature commerciale compte tenu du service public (gratuit) qu’ils accomplissent qui n’est pas compatible avec l’appât du gain qui caractérise l’activité commerciale. En même temps, on est conscient que dans notre pays, la plupart des personnes qui peuvent investir sont des fonctionnaires. Leur fermer la porte à l’activité commerciale n’arrangerait pas l’économie. Voilà pourquoi, pour ceux qui ont un appétit pour les affaires, il leur est conseillé d’opter pour la forme de société commerciale et non l’entreprise individuelle qui les place dans une situation d’illégalité.

Je souhaite protéger mon patrimoine personnel contre les risques des affaires

Lorsqu’on crée une société commerciale, celle-ci constitue une personne à part entière (personne morale) distincte de la personne physique (son fondateur) qui l’a créée. Cela veut dire que la société en tant que personne juridique a son patrimoine propre composé de de dettes et de biens (il s’agit par exemple des biens que l’entrepreneur a affectés à la société sous forme d’apport). En tant que deux (02) personnes distinctes l’une de l’autre (l’entrepreneur et la société qu’il a créée), les créanciers de la société ne peuvent pas poursuivre le paiement de leurs créances sur les biens personnels de l’entrepreneur. Exemple : la société emprunte 5 000 000 FCFA auprès d’une banque pour investir ; la banque doit prioritairement se faire payer sur les biens de la société et non sur le patrimoine de l’associé (entrepreneur). De la même manière, un créancier personnel de l’entrepreneur ne peut pas exiger le paiement de ses créances sur les biens de la société. Exemple : l’entrepreneur doit 1 000 000 FCFA au titre de frais de scolarité de ses enfants. L’école créancière ne peut pas saisir les biens de la société de l’entrepreneur pour se faire payer.

Par contre, comme en matière d’entreprise individuelle il y a une confusion entre la personne de l’entrepreneur et son entreprise, il n’y a pas non plus séparation entre les patrimoines de l’entrepreneur et de l’entreprise. Cela est dû au fait que l’entreprise constitue dans ce cas un bien de l’entrepreneur et non une personne morale distincte de l’entrepreneur. Du coup, si l’entrepreneur traine des dettes dans le cadre de son entreprise et dans le cadre de ses dépenses personnelles et familiales, tous les créanciers peuvent poursuivre le paiement de leurs dettes sur tout son patrimoine, et si par malheur il est marié sous le régime de la communauté des biens, tous les biens communs pourraient être saisis et ainsi appauvrir sa famille. Voila pourquoi, si un futur entrepreneur souhaite protéger son patrimoine personnel contre les risques de son entreprise, il lui sera fortement conseillé d’opter pour une société commerciale. La difficulté est que, s’il fait cette option, il y a une multitude de société et il devra encore faire le choix de la société adéquate pour se tirer d’affaire.

II. Le choix de la forme de société commerciale

La société commerciale est créée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent, par contrat d’affecter à une activité des biens en numéraire (de l’argent), ou en nature (un immeuble, une parcelle ou un véhicule par exemple) ou de l’industrie (un savoir-faire, connaissance intellectuelle), dans le but de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui peut en résulter. Elles contribuent également aux pertes. Certaines sociétés peuvent aussi être créée par une seule personne appelée « associé unique » (à voir ci-dessous). Lorsqu’on fait l’apport en argent, en nature ou en industrie, on acquiert en contrepartie des actions ou des parts sociales selon le type de société. On devient alors un simple investisseur dans la société et prend la qualité d’associé ou d’actionnaire.

Il existe cinq types (formes) de sociétés commerciales prévues par notre réglementation. Ce sont : la société anonyme (SA), la société par actions simplifiées (SAS), la société à responsabilité limitée (SARL), la société en nom collectif (SNC) et la société en commandite simple (SCS). Le jeune entrepreneur qui opte donc de créer une société commerciale devra au préalable répondre à un certain nombre de questions. La réponse à ces interrogations constitue un guide pour lui de faire un choix adapter à son entreprise.

A combien de personnes voulez-vous créer la société commerciale ?

Si vous êtes plusieurs (2 personnes au moins) à vouloir créer une société, vous pouviez créer en principe n’importe laquelle des cinq (05) formes sociales proposées par la loi (SA, SAS, SARL, SNC, SCS). Par contre, si le porteur du projet souhaite travailler seul, être le seul maitre à bord, par contre, il n’a pas beaucoup de choix car, la loi fixe limitativement les sociétés commerciales dans lesquelles une seule personne peut être associée. Ces sociétés sont appelées « société unipersonnelle ». Il s’agit de la SARL unipersonnelle, de la SAS unipersonnelle et de la SA unipersonnelle. L’avantage est que cette forme (société unipersonnelle) permet à l’associé unipersonnel d’essayer à lui-seul son projet avant de faire entrer ultérieurement d’autres associés sans transformation de la société. Il a aussi l’avantage d’avoir un fonctionnement simplifié; ce qui permet à l’associé de bien tester son activité avant de l’ouvrir à d’autres associés potentiels. L’inconvénient des sociétés unipersonnelles par rapport aux sociétés pluripersonnelles est que, s’il y a plusieurs personnes la société pourra profiter de l’expertise de chacune d’elles ; ce qui n’est pas le cas lorsqu’elle est unipersonnelle. Aussi, la société pluripersonnelle pourra bénéficier de ressources financières plus importantes provenant de chacun des associés ; ce qui n’est pas le cas de la société unipersonnelle qui ne peut compter que sur le seul apport de l’associé unique.

Avez-vous un patrimoine personnel à protéger ?

Toutes les sociétés commerciales n’offrent pas une garantie de protection du patrimoine personnel de l’entrepreneur. Si vous aviez un patrimoine personnel à protéger contre les aléas de l’activité professionnelle, il est tout à fait souhaitable de vous orienter vers une forme sociale qui vous permettra de limiter votre responsabilité. Pour ce faire, les principales formes de sociétés qui vous permettront de limiter votre responsabilité sont la SARL, la SAS et la SA, et dans une moindre mesure la SCS. Mais dans ce dernier cas, il faudra opter pour la qualité d’associé commanditaire.

Votre profession actuelle limite-elle le choix de la forme sociale de votre future société ?

La loi impose, parfois, certaines restrictions à l’exercice de certaines activités. En effet, l’article 8 AUDCG prévoit que « Nul ne peut exercer une activité commerciale lorsqu’il est soumis à un statut particulier établissant une incompatibilité». C’est ainsi que par exemple les fonctionnaires de l’État (enseignants, médecins, infirmiers, juges, policiers, etc), les commissaires aux comptes, les notaires, avocat, huissiers, experts comptables sont interdits de faire le commerce tant qu’ils sont en exercice. Du coup, toutes ces personnes ne peuvent créer une SNC ou être associés commandités d’une SCS car l’une des particularités de cette société est que le simple fait d’y être associé confère automatiquement la qualité de commerçant. Par contre, toute personne y comprends celles citées ci-dessus peuvent créer une SA, une SARL ou une SAS qui ne confèrent pas le statut de commerçant à leurs associés.

Quel mode de fonctionnement pour sa future société ?

Certaines sociétés ont un fonctionnement assez complexe et exigeant. Il s’agit par exemple de la SA qui exige de mettre en place plusieurs organes : la nomination d’un commissaire aux comptes est obligatoire. Selon les cas, il sera créé un conseil d’administration et une direction générale ou encore un administrateur général. Ces organes engendrent un coût notamment financier et une lourdeur dans le fonctionnement que ne peut supporter un jeune entrepreneur aux moyens financiers limités. C’est la raison pour laquelle cette forme sera déconseillée aux jeunes entrepreneurs qui sont à leur début dans le monde des affaires.

Quel type de société offre plus de garantie pour le jeune entrepreneur ?

Parmi les cinq (05) types de sociétés commerciales qu’on a cités plus haut, certaines sont fondées sur la confiance entre les associés. C’est le cas de la société en nom collectif (SNC) et la société en commandite simple (SCS). Cette confiance entre associés qui les caractérisent leur vaut l’appellation de société de personnes (cela ne veut pas dire qu’il existe une société des animaux). Cette confiance est due au fait que, en cas d’endettement de la société, les créanciers peuvent poursuivre un seul des associés pour réclamer la totalité de la dette. Cela peut conduire à saisir ses biens personnels (parcelle, maison ou véhicule). On dit alors que leur responsabilité est indéfinie et solidaire. Exemple : A, B et C sont associés d’une SNC dénommée FASO SNC. La société doit 10 000 000 FCFA à une banque. Si elle ne parvient pas à rembourser la dette à l’échéance, la banque peut (sous certaines conditions bien sûr) réclamer le paiement de toute la somme à A ou B ou C en fonction de celui qui est le plus solvable d’entre eux, quitte à ce que celui qui a payé se retourne contre les autres après. On comprend dès lors que les associés de ces types de sociétés sont exposés à un risque. C’est pourquoi une fois créée, il est difficile pour de nouvelles personnes d’y entrer car les anciens associés devront tous être d’accord pour que cela soit possible. En même temps, ce type de société fait les affaires des créanciers qui ont l’assurance d’être remboursés en cas d’endettement de la société. C’est pourquoi les banques n’hésiteront pas en principe à leur accorder leur confiance en leur octroyant du crédit.

D’autres sociétés, par contre, mettent l’accent sur le capital (l’argent). C’est le cas de la SAS et surtout de la SA. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la loi exige pour créer une SA la somme de 10.000 000 FCFA minimum comme capital social. Dans ces types de sociétés, les actionnaires n’exposent pas leurs patrimoines personnels comme c’est le cas de la SNC et de la SCS (dans une oindre mesure). Autrement dit, la participation des actionnaires au paiement de la dette de la société est limitée au montant de l’apport de chacun. Exemple : A, B et C sont associés d’une SA dénommée FASO SA. A a apporté un immeuble d’une valeur de 30 000 000 millions ; B apporte une somme de 10 000 000 FCFA et C apporte son véhicule qui vaut 5 000 000 FCFA. La société doit 10.000 000 FCFA à une banque. Si elle ne parvient pas à rembourser la dette à l’échéance, la banque doit poursuivre chacun pour contribuer au remboursement de la dette sans que chacun n’y contribue au-delà du montant de ce qu’il a apporté. Il n’est donc pas possible à la banque de poursuivre un seul des actionnaires pour réclamer le paiement de toute la somme. De plus, même dans le cas où les actionnaires seront poursuivis, chacun ne peut payer plus que ce qu’il a apporté. Ce qui protège leurs patrimoines personnels qui ne seront pas engagés.

Pour ce qui est de la SARL, elle est de loin celle qui est à mieux adaptée à un jeune entrepreneur puisqu’elle prend les avantages des autres sociétés sans leurs inconvénients. D’un côté, elle protège le patrimoine des associés à l’image des actionnaires de la SA (voir les explications concernant la SA). D’un autre côté, elle est un peu fermée à de nouveaux arrivants qui auront besoin de l’accord des anciens pour entrer dans la société. Sa création est simple car une seule personne peut la créer (pour ceux qui veulent faire cavalier seul) et aucun capital social minimum n’est exigé.

Ce propos est destiné à tout jeune entrepreneur qui n’est pas en faîtes des questions liées au monde des affaires dans ses aspects juridiques. Il y a encore beaucoup à dire par rapport au choix de la forme juridique, sauf que tout ne peut être vidé dans ce modeste article qui n’est qu’un condensé de la question.

OULANDO Massongo Kodjo

Juriste d’affaires

Doctorant en droit privé

Certifié en Pratique du droit de travail

 

 

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1 commentaire

Sedoogo 28 mars 2023 at 15 h 14 min

Article très intéressant .

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