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La publication des images d’enfants mineurs sur les réseaux sociaux : Que dit le droit ?

La publication des images d’enfants mineurs est devenue une pratique virale sur les réseaux sociaux. En effet, il est courant de voir des images des enfants mineurs (enfants âgés de moins de 20 ans) publiées soit par leurs propres parents soit par d’autres personnes sur les réseaux sociaux. Mais dans quelles conditions parents ou tierces personnes pourront prendre et publier l’image d’un enfant sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram…). En rappel, le droit à l’image désigne le droit pour toute personne de disposer de son image. En d’autres termes, c’est le droit pour toute personne de s’opposer à la réalisation, à la publication et/ou à l’utilisation (commerciale) de son image par une autre personne sans son consentement.

La publication de l’image d’un enfant par ses propres parents.

Juridiquement, rien n’oblige un père ou une mère à demander l’autorisation de son enfant avant de prendre et/ou utiliser ou publier son image sur les réseaux sociaux. Ce sont les parents à qui la loi a attribué l’autorité parentale. Cela signifie qu’ils sont investis par la loi d’un ensemble de droits et de devoirs afin d’agir au nom et surtout dans l’intérêt de l’enfant. En règle générale, chacun des père et mère, mariés ou non, peut, sans l’accord de l’autre, accomplir un acte usuel à l’égard de l’enfant. Un acte usuel est un acte qui n’emporte pas de conséquences graves pour l’enfant. Pour ce type acte, chacun des père et mère peut accomplir au nom de l’enfant sans l’accord de l’autre. Si l’autre conteste le caractère usuel de l’acte posé par l’un, il pourra saisir le juge qui les départagera en tenant compte du seul intérêt de l’enfant.
En ce qui concerne le cas spécifique de la publication de l’image d’un enfant, la jurisprudence considère que cet acte ne constitue pas un acte usuel. Par exemple, (en France) un père après s’être séparé de sa femme publie régulièrement les images de leurs enfants habillés en maillot de bain sur internet. La mère a alors saisi le juge pour demander d’interdire à son mari de publier désormais les images de leurs enfants sans son accord. Et la cour d’appel de Paris a, le 9 février 2017 « interdit à chacun des parents de diffuser les photographies des enfants sur tous supports sans l’accord de l’autre parent ». En clair, cette jurisprudence considère que le fait de publier l’image de son propre enfant ou de donner l’accord à un tiers de publier l’image de l’enfant ne constitue pas un acte usuel. Cela voudrait dire que l’accord des deux parents est désormais nécessaire pour poser un tel acte. Cet accord conjoint exigé permet aux parents de s’autocontrôler afin que les décisions qu’ils prennent soient au mieux conforme à l’éducation de l’enfant. Le juge pourra intervenir en cas de désaccord, bien sûr à la demande d’un des parents. Il s’agit là d’une certaine méfiance du juge vis-à-vis des réseaux sociaux et des dangers qu’ils comportent pour les enfants.
Quoiqu’il en soit, il faut relever que la publication de l’image de son enfant peut affecter d’une manière ou d’une autre son éducation. En effet, si l’on souhaite apprendre à nos enfants de bons réflexes ou de bonnes manières, il serait approprié que les parents demandent, ne serait-ce que pour la forme, et si cela est possible, leur consentement chaque fois qu’ils veulent prendre ou publier ou faire prendre ou publier leur image. Cela peut paraître anodin. Mais ce sera acte utile pour leur éducation car en demandant soi-même ce consentement, ces enfants prendront de plus en plus conscience que le droit à l’image constitue une valeur cardinale qu’ils devront protéger.
Dans tous les cas, il est souhaitable de se garder de publier l’image de son propre enfant, sur les réseaux sociaux si cela n’est vraiment pas nécessaire, et surtout, si l’image et éventuellement le cadre sont malsains pour l’enfant compte tenu de son jeune âge (débit de boisson notamment). Qui plus est, il ne faut pas oublier que, en publiant des images de l’enfant, des individus mal intentionnés pourraient exploiter l’image au détriment de l’enfant, encore que la maîtrise de l’internet n’est pas encore la chose la mieux partagée dans nos sociétés.
La publication de l’image d’un enfant par des personnes autres que ses parents.
Nul ne peut prendre et/ou publier l’image d’autrui sans son consentement. En ce qui concerne l’enfant mineur, ce sont, selon les cas, les parents biologiques, adoptifs ou tuteur (autorisé par le conseil de famille le cas échéant) qui sont désignés par la loi pour donner ce consentement. Ils doivent le faire conjointement car, comme relever plus haut, la publication de l’image d’un enfant est considérée comme un acte non usuel nécessitant l’accord des deux parents. Mais si l’autre parent n’exerce plus l’autorité parentale, pour cause soit de décès soit de déchéance par exemple, l’accomplissement de tout acte non usuel nécessite l’intervention du juge. Lorsque l’enfant aura l’âge de la majorité (20 ans), âge auquel il peut agir de lui-même sur le plan juridique, il peut revenir sur le consentement donné autrefois par ses parents à un tiers pour l’utilisation de son image.
Il faut aussi préciser que l’accord des parents tant pour la prise et éventuellement pour la publication de l’image de leur enfant par une autre personne n’est pas donné de façon arbitraire et discrétionnaire. Cet accord doit être donné en considération de l’intérêt de l’enfant. C’est-à-dire qu’avant de donner leur accord à la prise et/ou à la publication de l’image de leur enfant par une tierce personne, les parents devront s’assurer par exemple que l’image ou ce à quoi elle est destinée n’est pas dégradante, humiliante, immorale ou tout simplement compromettante pour l’éducation de leur enfant.
En cas de violation, les parents pourraient saisir le juge civil qui pourra prendre des mesures urgentes telle la suppression de l’image et/ou prononcer contre l’auteur de l’atteinte des sanctions civiles comme le paiement des dommages et intérêts à l’enfant. Ils peuvent éventuellement porter plainte devant le juge pénal par exemple pour atteinte à l’intimité de la vie privée de l’enfant, infraction prévue et punie par l’article 524-9 du code pénal. Selon l’alinéa 1er dudit article, « est puni d’une peine d’emprisonnement de deux mois à un an et d’une peine d’amende de deux cent cinquante mille (250 000) à trois cent mille (300 000) de francs CFA, quiconque aura volontairement porté atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui :
en captant, écoutant, enregistrant ou transmettant les paroles prononcées dans un lieu privé par une personne sans le consentement de celle-ci ;
en fixant, enregistrant ou transmettant sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé.
L’enfant devenu majeur peut-il agir en justice contre ses propres parents pour avoir eux-mêmes publié son image ? Même si la culture judiciaire au Burkina Faso et en Afrique est toujours faible au point qu’un enfant poursuive ses propres parents en justice sur ce plan, la réponse semble affirmative. En effet, dans d’autres contrées, les juges ont été saisis par des enfants à l’effet d’obtenir la condamnation de leur parent pour avoir publié leurs images sur les réseaux sociaux. Par exemple, en 2016 en Autriche un enfant devenu majeur a porté plainte contre ses parents pour atteinte à sa vie privée et de son droit à l’image en publiant plus de 500 photos d’elle sur Facebook pendant qu’elle était toujours mineure. Le juge les a alors condamnés.
Cet article, qui est perfectible, constitue un appel à plus de responsabilité des parents et à une prise de conscience collective, car un acte peut paraitre bénin en soit mais lourd et même très lourd de conséquence. Et la publication de l’image d’un enfant sur les réseaux sociaux qui est devenue monnaie courant, de la ville à la campagne, relève des types actes potentiellement lourds de conséquences pour l’enfant.

Par OULANDO Massongo Kodjo
Doctorant en droit privé à l’Université Ouaga II
Porte-parole du Cercle de Juristes pour la Vulgarisation du Droit (CJVD)

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1 commentaire

KASSA Karim 7 juillet 2020 at 16 h 03 min

Merci à Monsieur OULANDO pour son article que je trouve personnellement intéressant ; surtout merci pour les presisions en terme de jurisprudence et de texte en vigueur. Si possible préciser les textes et les disposition sur le droit au respect de la vie privée notamment le droit à l’image. Merci encore

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